jeudi 18 août 2011

Temoignage d'une francaise sur Fukushima

Coralie, 26 ans, vit près de Tokyo. Selon elle, le gouvernement japonais essaie de dissimuler la gravité de la crise nucléaire. Les Japonais seraient partagés entre peur et désir de reconstruction.
Témoignage

Coralie, 26 ans, habite au Japon depuis septembre 2010. C'est la deuxième fois qu'elle passe un an à Tokyo, dans le cadre d'un doctorat en sciences sociales, spécialisé sur la culture japonaise. La jeune Choletaise habite à Kawasaki, à 15 minutes de Tokyo.

Le tremblement de terre du 11 mars 2011 a sans doute été la plus grande peur de ma vie. Dans les premiers jours, les médias étrangers étaient les plus alarmants concernant l'accident nucléaire. Les Japonais semblaient penser que les étrangers étaient paranoïaques... Pour rassurer ma famille, je suis rentrée en France. À mon retour, un mois plus tard, j'ai été frappée par l'élan de solidarité vers la reconstruction de la région nord-est, qui a été dévastée par le tsunami. Des campagnes publicitaires encourageaient, par exemple, à manger des légumes de Fukushima pour soutenir les agriculteurs.

Cependant, depuis plusieurs semaines, la situation change. Des scandales éclatent les uns après les autres : viande de boeuf irradiée vendue dans des supermarchés, tests d'urine des enfants de Fukushima qui font apparaître des matériaux radioactifs. Des réunions d'information pour la population ont été organisées par l'industrie nucléaire, or il a été révélé que des participants avaient été payés pour faire des interventions rassurantes.

« Impuissance »

Le stress généré par l'inquiétude quotidienne est telle que beaucoup de gens préfèrent ne pas y penser, ne pas en parler. Au supermarché, je n'achète pas de légumes de Fukushima et des départements limitrophes, ni de poisson de Chiba (pêché à quelques dizaines de kilomètres de la centrale accidentée), mais la provenance des aliments n'est pas toujours spécifiée.

Le sentiment qui domine aujourd'hui est celui d'impuissance, d'avoir été trompés. Les mensonges, les informations minimisées, dissimulées, sont révélées et, petit à petit, les gens osent dire clairement qu'ils n'ont plus confiance dans le gouvernement. Les médias les plus importants relayent les informations, mais les appels à des actions (manifestations, vidéos d'appels au secours des habitants de Fukushima qui veulent être évacués...) ne sont pas diffusés. Une loi a été passée pour surveiller ce qui se dit sur Internet : officiellement, pour effacer les « fausses rumeurs ».

« Continuer à en parler »

Fait rarissime, alors qu'il n'est pas du tout dans les habitudes des Japonais de sortir dans la rue pour manifester, des rassemblements ont été organisés dans tout le pays, en juin. Cependant, ils ont eu très peu de retentissement. Il faut continuer à parler de Fukushima : la catastrophe n'est pas terminée. Les relevés d'irradiation à la centrale sont régulièrement revus à la hausse et, début août, ils atteignaient un niveau record depuis le 11 mars. Les Japonais, partagés entre peur, manque d'information, stress et désir de reconstruction, ne demandent qu'une chose : plus de clarté et de transparence.

Ouest-France

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